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L'Immaculée Conception

Chapitre 24 25 26 27 28 Fin

Immaculée Conception

Ch 24

Joseph et Marie

Joseph est entré sans bruit dans la chambre. La lampe de chevet de son côté est allumée.

Marie le regarde et lui sourit. Elle est couchée nue sous la couette.


Viens, Joseph, viens, mon amour.

Joseph enlève son peignoir. Il est déjà passé par la salle de bain pour une toilette sommaire. Il est nu lui aussi. Marie ouvre la couette pour qu’il puisse se glisser en dessous. Elle lui tend les bras. Elle est toute chaude. Joseph sent son odeur à elle, et une autre odeur plus âcre, celle de Mohamed.

Dans les bras de Marie, Joseph lui demande si elle va bien, si cela a été. Et puis il se met à sangloter tout bas, des sanglots de honte. Marie le console, lui caresse la tête.


Je t’aime, mon Joseph. Viens, viens en moi. Fais-moi l’amour, Joseph.

Après avoir joui, et cela avait été tellement fort que cela l’avait amené à crier à la fois sa jouissance et sa souffrance, Joseph est resté longtemps en Marie, le haut du corps de côté, son sexe en elle, leurs jambes mêlées. Il s’est endormi ainsi. Doucement, Marie s’est dégagée, lorsqu’elle s’est réveillée sous le poids de Joseph, en entendant les chuchotements des filles sur le palier, devant la porte des chambres. Dans l’utérus de Marie, c’est le mystère. Pourtant, tout est fait. Peut-être oui, peut-être non. Attendre, oui attendre l’enfant peut-être. Marie se sent comme visqueuse, des sueurs et des spermes mêlés, mais elle se sent bien au chaud, bien protégée, comme à l’cauiette, comme disait son grand-père wallon.

Ch 25


Jim et Alain


Jim et Alain se sont aussi endormis, en se tenant la main. Alain avait d’abord caressé le ventre de Jim, dont le sexe n’avait même pas frémi. Jim s’était déjà endormi comme une masse, il avait bu trop de bourbon.

Alain était encore amoureux de son Jim : il était attendri du sommeil lourd d’ivrogne de Jim. Alain avait commencé à réentendre dans sa tête des morceaux de leurs paroles de ce soir. Ce sont ces paroles redites, comme murmurées, qui l’ont endormi.

Il ne leur restera rien demain de toutes les images qui les chavirent, les noient, les animent dans leur sommeil.

Ch 26


Isabelle, Elisabeth


Isabelle aussi s’est endormie, dans les bras d’Elisabeth. Lorsqu’elles ont éteint la lumière de la chambre bleue tout à l’heure, elles étaient chacune au bord de leur côté de lit, comme cramponnées pour ne pas glisser dans le mitan. C’est venu comme cela, des frôlements de peau, et puis, elles se sont embrassées et caressées.

Avant de s’endormir, épuisée, Elisabeth s’est demandé ce qu’en penserait Nicolas. Isabelle, elle, souriait en pensant à la douceur d’Elisabeth et à la noirceur de Muriel.

Ch 27


Dominique et Mohamed


Dominique et Mohamed sont couchés eux aussi. Dominique a placé le CD des Oiseaux de passage sur la platine de la chambre. Des vieux airs de Brassens, enfouis, rendus à une autre vie. Mohamed s’était mis dans la tête qu’il fallait qu’il fasse l’amour à Dominique, mais il s’est endormi sur la voix de Miossec, sur la Non demande en mariage, quand Domi s’est mis à le caresser doucement, comme avec une plume d’ange, comme on caresse un enfant pour qu’il s’endorme. Dominique repense à ce réveillon bizarre. Il se le repasse dans la tête, tel un vieux film vidéo que l’on se repasse, avec des arrêts sur image, des retours en arrière, des avances rapides.

Mohamed bouge dans son sommeil, il articule des mots incompréhensibles, comme venus de très loin, d’au-delà du langage des hommes. Dominique allume la petite lampe de chevet, qui lui sert de veilleuse, lorsqu’il se réveille la nuit et qu’il se remet à lire, pour ne pas réveiller Mohamed. Il regarde le visage de son amant, de son compagnon, dans son sommeil qui laisse transparaître des images qui s’enchevêtrent, des énergies volatiles, des frémissements d’être. Le beau visage d’homme archange.

Alors Dominique sent l’émotion qui l’envahit de toute part. Il sent ses larmes qui coulent de ses yeux jusqu’aux commissures de ses lèvres. Il sent que son regard s’épaissit jusqu’à devenir palpable. Mohamed ouvre les yeux, des yeux noirs et vivants, des yeux aimants, alors que Saez et une voix d’enfant chantent la Prière. Par les quatre horizons qui crucifient le monde, par tous ceux dont la chair se déchire et succombe, par ceux qui sont sans pied, ceux qui sans sont sans main, par le baiser perdu et l’amour redonné, je vous salue Marie. Mohamed sourit à Dominique, il sourit à la vie. Il lui ouvre les bras. Ils s’endorment entremêlés, Tristan et Tristan vivants, l’homme et l’archange, dans le silence de la musique tue.

Ch 28


Lendemain


A Annecy, c’est un petit matin blafard d’humidité sans pluie. Léo et Jean-Loup viennent d’avoir un accident. C’est Léo qui conduisait. Tous deux avaient trop arrosé un réveillon sans intérêt, banal, blafard lui aussi. Tous deux avaient trop bu pour oublier Pierre, le non-dit.. Il a brûlé un feu rouge sur la route de Seynod. Ils sont emmenés en ambulance jusqu’aux urgences. Dans l’autre voiture, c’était Guy Delcourt, le cavalier des photos de Mohamed et de Dominique. Il est mort sur le coup, la nuque brisée.

Aux Tremblettes, demain, enfin tout à l’heure, il faudra que les garçons s’occupent de la voiture d’Isabelle. Ils se lèveront tous tard. Le midi, ils mangeront ce qu’il reste du réveillon. Peut-être que l’un ou l’autre téléphonera à Mohamed et à Dominique. Peut-être que tous deux passeront aux Tremblettes avant le départ des uns et des autres. Demain, peut-être.

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