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POURQUOI LES SINGES ?

Pourquoi les singes et les primates sont-ils l’une de mes principales sources d’inspiration ?


La frontière entre animalité et humanité est mince, sinueuse, mouvante, multiple. C'est l'une des pistes explorées par la paléontologie humaine. Parmi les questions étudiées, je suis particulièrement intéressé par celles des origines humaines, des liens sociaux existant dans différentes espèces animales, par la part de déjà humain chez l'animal et d’encore animal dans l’humain.


A la sortie de l'adolescence, l'un de mes amis, Philippe, mal dans sa peau, avait adopté un jeune chimpanzé. La relation développée entre eux était étrange et insolite, comme si l’un, humain ou animal, était le double de l’autre, animal ou humain. Cette relation s'est achevée sur un constat d'échec, l'humain n'étant pas parvenu à devenir le maître de l'animal. Cinquante ans plus tard, je ne sais pas ce qu'il est advenu du chimpanzé et ayant perdu de vue mon ami, j'ai appris bien plus tard qu'il s'était suicidé …


J'avais à l'époque un sentiment diffus d'attirance et de répulsion : confusément, je percevais sans doute que le combat interne que Philippe menait entre sa part d'ombre et ses fragments de lumière, le mettait en danger, me mettait en danger, en tant que spectateur impliqué, en proie à mes propres démons …

Les démons de mon âme, de mon coeur, de mon corps m'avaient amené à me forger une épaisse carapace pour contenir mon homosexualité, que je tenais pour bestialité, anormalité, animalité : la cuirasse du bien pour juguler la pulsion du mal ! En moi, l'ange contre le singe !


Dans le film “Greystoke”, il est une scène qui reste vive en ma mémoire. On y voit Tarzan (joué par Christophe Lambert), chevauchant une monture nerveuse, tournant en rond dans la cour intérieure d'un sombre château anglais. Il a quitté la jungle et commence son apprentissage de la vie “civilisée”, en tant que Lord Greystoke. Il souffre, il scande “animal, animal !” il s'interroge avec douleur sur son identité profonde.


Cette difficile quête d'identité, je l'ai aussi partagée avec Victor, l’Enfant sauvage, avec le jeune Elephant Man et Gwynplaine, l’Homme qui rit, et tant d'autres encore. Ces partages m'ont permis de grandir en humanité, de ne plus opposer vainement l'ombre et la lumière, de tenter sans cesse de les mettre en harmonie, en synergie. Tenter sans cesse, comme Sisyphe. 

Toujours essayer de transformer la vulnérabilité en force c'est comme cela et pour cela que se sont créés l'Orang outan albinos, le catalan Floquet de Neu, la Mère ancestrale et toute la famille de mes sculptures “singes”.


Pourquoi les singes​ ? Parce que les signes​ d'un ailleurs légèrement différent, un peu meilleur, sont à la portée de ma main de sculpteur, à la portée de l’oreille du bon entendeur, de l'oeil du bon voyeur, du battement de coeur en chacun de nous.


Pourquoi les singes​ ? Parce que les songes​ des anges​ sont autant de voiles sur mes douleurs, autant de philtres pour mes couleurs. Parce que le “rêve​ ​de​ ​singe​” révèle ma liberté de créateur, dévoile mes peurs et mes joies d’être un humain ..

Gérard Tonneau Juillet 2017

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